18-06-2008
Transplanter des organes animaux sur l’homme : un pari risqué
Echo Nature
Si les avancées de la science ont permis de progresser de manière spectaculaire dans le domaine de la greffe, à l’image de la reconstitution faciale ou de la transplantation cardiaque, le nombre restreint de donneurs reste un frein majeur. Parmi les solutions invoquées pour remédier à cet état de faits, les campagnes de sensibilisation au don d’organes se multiplient. Constatant qu’elles ne suffiraient pas à inverser la tendance, de nombreux scientifiques ont étudié la possibilité de transplanter des organes d’animaux sur l’homme.
Outre la polémique éthique qu’elle soulève, cette technique pose également des problèmes d’ordre strictement médical. En effet, alors que selon l’OMS « un grand nombre d’infections graves dans l’histoire de l’humanité sont d’origine animale », la greffe d’organes animaux présente un risque important de transmission à l’homme de virus véhiculés par les animaux donneurs. Un danger d’autant plus grand puisque l’introduction d’un agent pathogène chez une personne pourrait occasionner une contamination s’étendant à un groupe plus élargi.
Afin de prévenir au maximum les risques de transmission, l’OMS a adopté en 2004 une « résolution sur les transplantations xénogéniques (1) » appelant les Etats membres de l’Organisation Mondiale de la Santé à « n’autoriser les greffes xénogéniques que lorsque les mécanismes de contrôle réglementaire et de surveillance efficaces relevant des autorités sanitaires sont en place ».
A l’instar des greffes humaines classiques, les rejets potentiels constituent un autre obstacle au développement de la greffe d’organes animaux sur l’homme. Ils se trouvent amplifiés dans ce type de transplantation, les organes d’une espèce étant généralement mal tolérés par les autres espèces. Toutefois, par sa physiologie proche de celle de l’homme, le porc s’avère l’espèce animale la plus indiquée pour jouer le rôle de donneuse d’organes (2).
Mais, alors que des chercheurs belges viennent de divulguer dans la revue scientifique « Kidney International » leurs avancées en matière de transplantation d’organes de cochons génétiquement modifiés, la question des rejets est plus que jamais d’actualité. En effet, bien que ces scientifiques déclarent être « au seuil des premiers essais cliniques », l’association Antidote Europe tire la sonnette d’alarme. Œuvrant pour une meilleure prévention dans le domaine de la santé publique, elle attire l’attention sur les dommages que pourraient causer ces expérimentations en l’absence de données satisfaisantes sur les organismes génétiquement modifiés.
Défi majeur de la médecine moderne, la greffe d’organes pâtit aujourd’hui d’un manque cruel de donneurs. Rien qu’à l’échelle nationale, la France comptait 12 407 malades en liste d’attente en 2006 pour seulement 1 441 donneurs prélevés. Au final, 229 patients sont décédés cette année-là faute de n’avoir pu être greffés. Face à de tels chiffres, la voie ouverte par le don d’organes d’animaux, génétiquement modifiés ou non, est certes tentante. Mais aussi prometteuse soit-elle, il ne faudrait pas qu’elle soit remise en question par défaut de précipitation.
Cécile Cassier
1- La xénogreffe désigne la transplantation d’organes ou de tissus entre deux espèces biologiques différentes.
2- Bien avant que l'on ne parle de xénogreffes, proche de l’homme d’un point de vue génétique, le porc est considéré par certains scientifiques comme le probable vecteur de passage de la souche définitive de la grippe espagnole à l’homme.